Dans la région de Krasnoïarsk, au sud de la Sibérie, un investisseur privé décide de terminer la construction d'une centrale hydroélectrique ; l'électricité sera vendue à la Chine. Un immense territoire est voué à disparaître sous les eaux. Roman Sentchine raconte l'histoire simple des femmes et des hommes qui subissent les fléaux de l'injustice, de la bureaucratie et de la corruption, et doivent quitter leurs villages et leur campagne fertile. Ce roman basé sur une histoire vraie (la construction du barrage de Bogoutchany sur l'Angara entre 2008 et 2012) convoque divers personnages, parfois fatalistes, parfois révoltés, toujours touchants : la journaliste Olga, qui récolte des informations sur les habitants relogés de force et n'obtiendra que le silence ; Alexeï, le chef de l'administration du village, qui se bat pour que le cimetière, voué à être inondé, soit transféré en ville ; le vieil Ignati, qui raconte à son petit-fils Nikita la vie qu'ils menaient avant, et les traditions perdues... La Zone d'inondation restitue avec une précision bouleversante les gestes du quotidien, la parole, la vie sociale, la vision du monde, les bonheurs et les malheurs d'une poignée de villageois destinés à se fondre dans la ville, et qui semblent soudain prendre conscience d'eux-mêmes.
« - Il parlera de quoi, ton récit ?
- De la Russie d'aujourd'hui. »
Moscou, hiver 2011-2012. À la veille des élections présidentielles de mars, auxquelles Vladimir Poutine est donné vainqueur d'avance, l'opposition dénonce des votes systématiquement falsifiés. Les Moscovites descendent dans la rue, formant les plus grandes manifestations d'opposition jamais vues en Russie postsoviétique.
Dans Qu'est-ce que vous voulez ?, Roman Sentchine décrit l'atmosphère de cette période en donnant la parole à sa fille, Dacha, âgée de 14 ans. Entre son appartement minuscule, ses cours de musique, les méandres d'Internet et une Moscou surpeuplée et effrayante, Dacha est témoin de l'insatisfaction de ses parents, qui participent à la contestation sans vraiment croire au renouveau. L'adolescente cherche des raisons d'espérer, mais les adultes autour d'elle ne font rien pour dissiper l'ennui et le pesant sentiment d'attente.
En mettant en scène sa propre famille, Sentchine livre les détails de sa vie quotidienne, jusqu'au contenu de son réfrigérateur. Fin observateur des êtres et des choses, il insuffle à son roman une tonalité hyperréaliste qui fait éprouver la pulsation même de la vie. Évoquant aussi bien les opposants Navalny et Nemtsov que les Pussy Riot, il réfléchit à son propre rôle d'écrivain dans les périodes de bouleversements sociaux et politiques.
« Qu'est-ce que vous voulez ? », c'est bien sûr la question que Dacha adresse à ses parents, mais aussi à tous les adultes - et à travers elle, c'est la question que pose l'écrivain Sentchine à la société russe.
Les Eltychev, roman de la province russe, raconte la déchéance et la chute d'une famille ordinaire. Il est vrai qu'ils ne tombent pas de très haut... Le père, Nikolaï, est policier dans le chef-lieu de la province ; sa femme, Valentina, a péniblement réussi à s'extraire de son hameau perdu. Un de leurs fils est en prison, l'autre n'est qu'un bon à rien. À la suite d'une bavure, Nikolaï est radié de la police et doit rendre son appartement de fonction. La famille décide de partir s'installer dans le village où a grandi Valentina, à cinquante kilomètres de la ville. Dans une atmosphère minée par l'alcool, la pauvreté et l'absence de travail, les Eltychev passent l'hiver comme engourdis. Le printemps leur apportera quelques bribes d'espoir, vite envolées.
Roman Sentchine est né en 1971, dans la république de Touva. En 1993, sa famille s'installe dans la région de Krasnoïarsk, dans une situation très précaire. Sentchine termine des études à l'Institut de littérature en 2001 ; il est considéré comme l'un des représentants du nouveau réalisme russe. Ses romans, traduits dans de nombreuses langues, reçoivent un accueil enthousiaste du public russe, et ont été récompensés par de nombreux prix littéraires. Les Eltychev, le premier roman de Sentchine traduit en français (Noir sur Blanc, 2013), et La Zone d'inondation ont figuré sur la liste des plus grands prix russes (National Bestseller, Booker Prize russe, Bolchaïa Kniga).
Traduit du russe par Maud Mabillard