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Pier Bert
-
Extrait
À 18 h 19 ce vendredi 13 mai 2011, le commissaire
Chautard recevait le directeur du lycée d'Arsonval et le
principal du collège du même nom, chefs
d'établissements confrontés à des problèmes persistants
de racket, donc à la peur des collégiens et à la fureur des
parents. Il était assisté des lieutenants Dominique Dru,
La Duduche pour ses collègues, grande bringue au grand
coeur, et Guy Flandin, sec et nerveux, inquiet et toujours
en recherche d'approbation, qui suivaient d'habitude les
affaires scolaires.
Les policiers étaient encore en phase d'écoute quand
Annie Farme, agent d'accueil et chef standardiste,
débarqua dans le bureau du patron, parce qu'elle savait
qu'il ne décrocherait pas si elle lui téléphonait.
- Commissaire ! C'est horrible ! Au Bonus... Un
attentat... Il y a des morts et des blessés.
« Rarement, j'ai vu un visage se décomposer de la
sorte, dirait par la suite le proviseur. Nous étions là à
parler, le commissaire nous écoutait avec attention.
Quand la fliquette est venu lui apprendre la nouvelle,
juste quelques mots, son visage s'est allongé comme si
sa barbe allait tomber, il est devenu livide, et son dos s'est
arrondi comme si quelque chose lui était tombé dessus,
qui l'avait cassé. Il a pas l'air, mais je crois que c'est un
grand sensible ».
Sensible ou pas, le commissaire ne s'était pas trompé
sur l'horreur qui l'attendait. Les quelques mots d'Annie
Farme avaient suffi pour lui faire prendre conscience que
quelque chose de terrible était arrivé, que des hommes et
des femmes avaient été touchés dans leur chair, que leurs
proches allaient pleurer, que ce drame allait bouleverser
de nombreuses vies ; ainsi que toute sa fin de journée,
sans doute tous les jours qui allaient suivre, peut-être bien
sa fin de carrière et peut-être même son existence.
En 2011, peu de commissaires étaient confrontés à un
attentat. Quand il se retrouvait sur cette scène d'horreur,
le choc était si soudain, le chaos était tel, la tâche si
démesurée, qu'un homme, aussi bon policier fût-il, avait
du mal à prendre les bonnes décisions. Et à établir les
priorités. Surtout quand on le pressait de toutes parts.
En arrivant sur les lieux, ou plutôt en essayant, le
commissaire vit tout de suite que le premier problème
allait être - était déjà - d'empêcher les gens de quitter les
parkings dans la précipitation, et d'empêcher ceux qui
n'étaient pas encore au courant du problème de venir
boucher les axes et les ronds-points. Priorité absolue
devait être donnée au passage des secours, qui
commençaient à arriver.
Plante avait déjà pris les choses en mains. Tout en
maintenant comme convenu les départs du magasin vers
la route de Chasteaux et l'avenue Jean-Jacques Rousseau,
il avait organisé le filtrage des voitures afin d'éviter
bouchons et accrochages.
- Ménageons un espace pour les hélicoptères. Le
S.M.U.R. en a un, et Limoges doit pouvoir nous en
envoyer. On va évacuer les blessés les plus graves par les
airs.