Golgotha est un lieu d'apparitions, espace où se déploie un « je » massif et creux, habité. Constellé d'altérités, il se sonde, se sculpte, remonte ses époques. Il revient du passé le visage dissimulé par un loup, et laisse parler le loup.Le corps, la voix du poète forment un théâtre privé : dans la boîte de son crâne des créatures tonnent de colère, s'offrent comme énigmes ou se replient dans la honte. En orbite entre les mondes, ces présences rappellent que la parole est un sort.Avec des poèmes parfois lapidaires, contondants, parfois logorrhée vertigineuse, Benoit Jutras présente « les humains qui dorment / debout dans les accidents », et demande, envahi : « combien de totems en moi maintenant » ?
Verchiel n'est pas un ange, n'est pas l'ange de juillet, c'est un nom.
Il dit la multiplication de l'horreur et des siècles, la fleur antique de la blessure, il dit la violence de la grâce, dit la nudité atteinte, la métamorphose.
Verchiel a fait de moi une race, une dévoration. Un mystère sans visage.
C'est une plainte aux racines profondes mêlée de jazz, de rock'n'roll et de désespérance sur fond d'Amérique «?où les maisons s'envolent?». Cette poésie narrative sonde avec une «?patience éblouie?» les espaces intérieurs et la déroute d'une angoisse au bord du vide. et c'est la force singulière de cette écriture à la fois sensible et directe que de nous introduire aux images contrastées de cette traversée du désert.
- Claude Beausoleil, La Presse
Ces poèmes sont des alarmes vivantes, des alarmes parlantes, qu'on entend sonner en douceur au beau milieu de la nuit, où l'on continue de rêver en plein cauchemar, de reposer au creux de ces insomnies. le paradoxe du livre est là : il parle de peines avec un calme qui ressemble à la joie.
- Pierre ouellet, Spirale
Il y a dans Nous serons sans voix un ton, une justesse dans l'expression et une manière de dire les plus petites choses qu'elles soient grandioses ou catastrophiques qui ne manquent pas de nous ramener à la trivialité de l'existence.
- Roger Chamberland, Québec français
Il y a une autre nuit derrière la nuit. Où ma mémoire est faite d'étoiles tombées et mon corps d'apparitions. Où mon visage et ma voix sont des histoires aveugles. Cette nuit ne ressemble à rien. Sa pureté est terrible, son amour est lapidaire.
Elle est mon unique prière, mon renversement.
B. J.
La dernière Rencontre québécoise internationale des écrivains, dont Les écrits publient la conférence et l'allocution inaugurales, prononcées respectivement par Suzanne Jacob et André Roy, avait pour titre Éros et ses fictions. Fiction érotique devient érotique de la fiction où l'imagination amoureuse et la créativité propre au désir font un avec l'inventivité verbale. C'est ce dont témoigne tout le numéro, notamment dans les fictions sexuées de Jean Pierre Girard et Jacques Abeille, les essais sur l'amour de Bertrand Leclair et Yannick Haenel, et les poèmes de Gilles Cyr, Hélène Dorion, Benoît Jutras et plusieurs autres. L'oeuvre peinte et sculptée de Garen Bedrossian accompagne les textes de ce numéro.
Village absent sur les cartes, géographie intime d'une femme perchée sur sa vie comme dans « un arbre à sorts », L'Étang noir se présente comme le territoire d'une voix se mesurant au silence luxuriant du réel.
Qu'elle s'adresse à un moine disparu, se fragmente en oracles, se recueille autour de la plus petite trace d'humanité, la parole de ces poèmes s'abîme en une quête de salut semblable à une litanie.
Dans une langue pulsante, Benoit Jutras nous propose un troublant mouvement d'âme nous reconduisant à notre part de fatigue et d'errance.